dimanche 13 mars 2016

Survol(s) de la Comète de Halley - 30ème anniversaire par la philatélie / 1986-2016


Dans la nuit du 13 au 14 mars 1986, la sonde européenne Giotto survole la Comète de Halley - c'est la dernière des cinq sondes lancées et dédiées à la comète qui la survole.
La sonde américaine ICE la survolera bien le 28 mars 1986 mais cette sonde n'était pas à l'origine dédiée aux comètes (voir plus bas).


Ce trentième anniversaire nous permet de nous replonger un peu dans l'histoire spatiale.

La Comète de Halley est la plus connue de toutes les comètes. Elle a été identifiée comme une comète périodique, elle effectue une révolution complète du Soleil en 76 ans, par l'astronome anglais Edmund Halley (1656-1742) en 1705.
Celui-ci annonça que les comètes aperçues en 1531, 1607 et 1682 n'étaient en fait qu'une seule et même comète, et il prédit que le prochain passage de celle-ci aura lieu fin 1758. Il s'appuie sur la théorie de Newton pour ses calculs.



(Vignette allemande pour de la margarine des années 1930)

La prédiction se révéla juste et c'est depuis cette époque que la comète reçue son nom actuel. Un triomphe pour la théorie de Newton et pour Halley.

En remontant le temps et en étudiant les écrits et les observations, on s'aperçoit effectivement que la comète est signalée tous les 76 ans. 
La première observation relatée date de l'an -611 avant J.C. en Chine (dans les ''Annales des Printemps et Automnes'', chronologie des règnes des douze princes de la province de Lu).

Les comètes ont été pendant longtemps considérées comme des messagères annonciatrices d'événements le plus souvent dramatiques (guerres, mort, maladies, etc...) comme pour le passage de 1066 associé à la Bataille de Hastings où la comète est représentée sur la Tapisserie de Bayeux.

(Timbre issu d'une série émise par Jersey le 4 mars 1986)

Pour en revenir au passage de 1986, les astronomes se préparent, depuis que l'on connaît avec exactitude sa périodicité, aux observations.

Celle de 1758, avec un passage au périhélie (au plus près du Soleil) le 13 mars 1759, a été observée surtout avec curiosité. Mais lorsque la prédiction d'Halley se fût révélée exacte, grâce notamment aux observations et travaux de Lalande, Lepaute et Clairaut, cela a été un étape importante de l'astronomie.

Le passage de 1835 a été observé par beaucoup d'astronomes. Mais un des faits les plus anecdotiques de ce passage, est la naissance de l'écrivain américain Mark Twain deux semaines après le périhalie de la comète - il mourra le lendemain du passage de 1910.
Il avait d'ailleurs écrit dans sa biographie, qu' <<il ne voulait pas mourir avant d'avoir pu voir le prochain passage de la comète de Halley avec laquelle il était né >>.

(Le passage de 1835 par une carte des paquets de cigarettes Phänomen / Allemagne 1933)

Le passage de 1910 a été abondamment observé, commenté, par la communauté scientifique mais aussi par le public. Il y eu une énorme publicité autour de ce passage.
De plus, il y a eu au niveau du grand public, une croyance erronée dans le fait que la terre allait croiser la queue de la comète et que cela entraînerait des catastrophes, destructions, etc ... certains annonçaient la fin du monde pour le 19 mai 1910.
Et pour ajouter à la joie des astronomes, et à l'angoisse du public, une comète très sepctaculaire car même visible en plein jour, avait fait son apparition en janvier, quelques semaines avant le passage annoncé (connue sous le nom de la grande comète de janvier 1910).
Ce passage de 1910 a permis les premières photographies de la comète de Halley.

(Illustration du Petit Parisien n° 1110 du 15 mai 1910 / les toits de Paris envahis)
(Une des plus célèbres photographies du passage de 1910 / ici sur une carte collection de 1969)
(Caricatures françaises sur cartes et journal / Fin du monde du 19 mai 1910)


En 1986, la technologie a énormément évolué depuis le précédent passage - l'âge du spatial était né. Et il était hors de question de laisser passer cette opportunité. Autant dire que les grandes agences spatiales de l'époque ne l'ont pas laisser passer :

- USA / NASA : Satellite ISEE-3 / ICE
- Russie : Sondes Vega 1 et Vega 2
- Europe / ESA : Sonde Giotto
- Japon : Sondes Sakigake et Suisei (Planet-A)



ISEE-3 / ICE

Le satellite ISEE-3 (International Sun Earth Explorer) est le troisième satellite de ce programme commun NASA-ESA qui avait pour but d'étudier les interactions entre le vent solaire et magnétosphère terrestre.


ISEE-3 est lancé le 12 août 1978 depuis Cape Canaveral. Il est le premier satellite à se positionner sur le Point de Lagrange L1 à 1,5 millions de la Terre le 20 novembre 1978.

Il remplit parfaitement sa mission primaire qui dure trois ans. On décide de prolonger sa mission, surtout que le carburant restant permettait de rester encore une dizaine d'années au point L1. Parmi les options envisagées, il a été proposé d'étudier la magnétoqueue de la Terre (partie de la magnétosphère du côté opposé au vent solaire) et au survol des comètes Giacobini-Zinner et Halley en déplaçant le satellite pour croiser leurs trajectoires.
Bien que ne disposant pas d'antenne grand grain pour transmettre des informations directes, plusieurs instruments pourront quand même envoyer des données utiles.
Pour la NASA, ce choix est ''stratégique'' car en fait, elle n'a développé aucune sonde spécifique à la comète de Halley faute de budget (nous sommes après l'abandon du programme Apollo et le lancement du programme navette spatiale). Cela permettra de dire à la NASA qu'elle a elle aussi participé activement au passage de 1986.

Les études de la magnétoqueue durent jusqu'en décembre 1983, époque où ISEE-3 commence à faire route vers la comète Giacobini-Zinner - c'est à ce moment-là qu'ISEE-3 devient ICE (International Comet Explorer).

ICE croise la comète Giacobini-Zinner le 11 septembre 1985 à une distance de 8 000 km du noyau et passe à travers la queue de la comète de Halley le 28 mars 1986 à une distance de ... 28 millions de km du noyau.


La mission est prolongée jusqu'en 1997 pour étudier de nouveau le soleil. Le contact avec la sonde est perdu en 2014.




VEGA 1

Vega 1 est une sonde interplanétaire russe lancée le 15 décembre 1984 par une fusée Proton depuis Baïkonour - elle est la soeur jumelle de la sonde Vega 2 (voir plus bas).


Ce programme Vega s'est fait en collaboration avec la Russie (ex-URSS), l'ESA, la France, l'Autriche, USA, Italie, différents pays de l'Est, etc ...

La sonde Vega 1 a été développée pour deux missions distinctes : largage d'un atterrisseur sur la planète Venus (type de mission comparable au programme des Venera) et survol de la comète de Halley avec la partie orbiteur.

Le 11 juin 1985, Vega 1 largue son atterrisseur dans le module de descente de 2,40 mètres de diamètre et de 1 500 kg. Le tout est accroché à un parachute pour ralentir la chute et permettre le poser à la surface de Venus. Pendant ce temps-là, Vega 1 continue sa route vers la comète de Halley.

La descente s'effectue presque en douceur et l'atterrisseur se pose sur Mermaid Plain au nord d'Aphrodite Terra. Mais, alors qu'il se trouvait à 20 km d'altitude environ, un vent de plus de 200 km déclencha prématurément les instruments de bord chargés des analyses au sol et aucunes données n'ont pu être transmises (exceptées celles du spectromètre de masse).

Durant la descente, un ballon, avec une sonde d'analyse accrochée à celui-ci, a été largué  et a effectué grâce aux vents de l'atmosphère de Venus, un survol à 55 km d'altitude environ pendant 48 heures - il a parcouru environ 11 600 km (tant que les données sont transmises) et a fourni des informations sur la température et la pression de l'atmosphère de Venus.

Vega 1 commença à transmettre des photos de la comète de Halley le 4 mars, ce qui permis de calibrer certains des instruments de la sonde européenne Giotto.
Elle survole au plus près le coeur de la comète le 6 mars à 8 889 km de celui-ci et transmet plus de 500 photos. Grâce à ce survol au plus près, pendant trois heures, on aura appris que le noyau mesurait environ 14 km de long, qu'il était très sombre, que la température était de 300 à 400 k (plus chaud que l'on ne le pensait) et qu'il y donc des éléments qui recouvrent le coeur de glace.
Vega 1 a aussi permis d'analyser quelques gaz et a permis de déterminer que le coeur avait une vitesse de rotation de 53 heures.

Le fin de vie de la sonde est déclarée en janvier 1987.





VEGA 2

VEGA 2 est lancée le 21 décembre 1984 par une fusée Proton depuis Baïkonour. Elle est la soeur jumelle de Vega 1 (voir ci-dessus)

Vega 2 a les mêmes objectifs que Vega 1.


Elle largue un atterrisseur et un ballon le 15 juin, deux jours après un survol de Venus.
L'atterrisseur fonctionne mieux que celui de Vega 1 et peut transmettre des informations pendant 56 minutes. Il analyse la composition du sol, la température, la pression. Il y aura même une analyse d'un rocher.

Le ballon volera à la même altitude de 55 km environ que celui de Vega 1 et on estime qu'il a parcouru 11 100 km à la fin des transmissions des données sur la température, atmosphère, vents de Venus.

Vega 2 transmet ses premières photos de la comète de Halley le 7 mars à une distance de 14 millions de km.
Le 9 mars, elle s'approche le plus près du noyau, à 8 030 km.
De nouvelles photos sont transmises les 10 et 11 mars.

La fin de vie de la sonde est annoncée en mars 1987.



SAKIGAKE

La sonde Sakigake (Pionnier en japonais) est la première sonde interplanétaire japonaise et développée pour la NASDA (aujourd'hui JAXA, l'agence spatiale japonaise)..
Cette sonde de 138 kg est lancée depuis le Kagoshima Space Center le 7 janvier 1985.

Elle est la soeur jumelle de la sonde Suisei (voir plus bas) mais n'emportait pas de caméra.

Elle survole la comète de Halley le 6 mars 1986 à 6,99 millions de km.

On pensa la diriger ensuite vers la comète Giacobini-Zinner mais cela ne se fît pas par manque de carburant.

La fin de vie est annoncée en novembre 1995.



SUISEI

La sonde Suisei (Comète en japonais) appelée aussi parfois Planet-A est la soeur jumelle de la sonde Sakigake (voir ci-dessus).
Cette sonde de 139,5 kg a été lancée le 18 août 1985 depuis le Uchinoura Space Center.


L'objectif principal de la mission était de prendre des images en Ultra Violet de la couronne solaire 30 jours avant et 30 jours après le passage de comète dans le plan de l'écliptique. elle possédait pour cela d'un appareil CDD UV et d'un instrument de mesure des vents solaires.

Les premières photos (à hauteur de 6 par jour) commencèrent en novembre 1985.

Suisei passa au plus près du coeur de la comète le 8 mars 1986 avec un survol à 151 000 km.

Entre 1987 et 1991, on la redirigea vers le soleil afin qu'elle en fasse le tour. On pensa ensuite lui faire survoler les comètes Giacobini-Zinner et Tempel -Tuttle, mais là aussi, faute de carburant suffisant, cela ne fût pas possible.

La fin de vie de la sonde est annoncée le 20 août 1992.

GIOTTO

La sonde Giotto est une sonde de l'Agence Spatiale Européenne (ESA). C'est aussi sa première sonde interplanétaire.

Elle a été exclusivement conçue pour être dédiée à l'observation de la comète de Halley lors de son passage de 1986.
Son nom, Giotto, est en référence avec celui du peintre italien du 14ème siècle Giotto Di Bondone (1267-1331) qui a représenté l'étoile de Bethléem sous forme de comète dans un de ses tableaux ''L'Adoration des Mages''. On sait que c'est une représentation de la comète de 1301, qui était la comète de Halley.


La sonde Giotto est lancée le 2 juillet 1985 par une fusée Ariane 1 depuis Kourou.

(Lancement de la sonde Giotto - cachets de Kourou et de l'ESA à Paris)

La sonde Giotto devait permettre de répondre à plusieurs questions sur les comètes, car à l'époque on ne savait pas grand chose sur celles-ci :

- Taille, forme, albédo, rotation, température de surface, composition du noyau ?
- Composition de la chevelure ? Origine de la chevelure ?
- Noyau solide ?
- Poussière ? Quantité ? Composition ? Taille, masse ?
- Interaction comète et vent solaire ?
- etc...

La sonde mesure 1 mètre de haut (mais 2,96 antenne déployée) pour 1,86 mètre de diamètre pour 985 kg carburant compris.
Elle possède une antenne Grand grain positionnée à un angle de 44,3° (pour être toujours pointée vers la Terre), un bouclier de protection, dit bouclier de Whipple (du nom de son inventeur) qui protège la sonde des particules en les vaporisant, ainsi que plusieurs instruments scientifiques.
La sonde n'avait pas d'enregistreur de données qui étaient transmises directement à la Terre.

Les instruments scientifiques embarqués sont :

- Caméra couleur télescope (HMC)
- Magnétomètre (MAG)
- Spectromètre de masse (IMS) pour l'énergie et la masse des ions
- Spectromètre de masse neutre (NMS) pour l'énergie et la masse des atomes
- Spectromètre de masse (PIA) pour masse et composition particules de poussière
- Analyseur Plasma Johnstone (JPA) pour ions vent solaire et ions cométaires
- Analyser Plasma Rèle (RPA) pour ions vent solaire et ions cométaires
- Radio Science (GRE)
- Expérience Optique (OPE) pour mesures brillances poussières et gaz
- Dust Impact Detector (DID)
- Analyseur de Particules Energétiques (EPA) en images tridimensionnelles

Après 150 millions de km, Giotto survole la comète dans la nuit du 13 au 14 mars 1986, à 596 km de son noyau.
Plus de 12 000 impacts sont enregistrés, lui faisant perdre momentanément ses communications avec la Terre.


Grâce à Giotto, on sait maintenant que la comète de Halley avait un noyau en forme de cacahuète de 15 km de long avec une largeur comprise entre 7 et 10 km. La comète est vieille de 4,5 milliards d'années et qu'elle n'a presque pas changé depuis sa création.
Le noyau est plus sombre que du charbon, à cause probablement de la couche de poussière. Sa surface est poreux et possède une faible densité. La surface est également riche en carbone.

Il y a deux types de poussière :

- Mélange de carbone, hydrogène, oxygène, azote
- Mélange de magnésium, fer, calcium, sodium

Les éléments légers analysés, concernant leur répartition,  (hydrogène, carbone et oxygène) sont les mêmes que ceux analysés sur la Soleil - les scientifiques ont peu ainsi en déduire que la comète était composée des éléments les plus primitifs du système solaire.

Le matériau éjecté était composé de :

- 80% d'eau
- 10% de monoxyde de carbone
- 2,5% d'un mélange de méthane et d'ammoniac
- fer, hydrocarbures, sodium sous forme de traces


Après ce passage, la sonde va pouvoir entrer dans la deuxième partie de sa mission, à savoir survoler une autre comète - la comète Grigg-Skjellerup.
Pour ce faire, Giotto va entrer en hibernation le 2 avril 1986 et elle le restera jusqu'au 19 février 1990 lorsqu'elle est réactivée et se réveille - c'est la première fois que l'on utilise cette procédure hibernation-réveil.

Elle passe près de la Terre le 2 juillet 1990 à une distance de 22 730 km pour un changement de trajectoire et profiter de l'assistance gravitationnelle pour se mettre sur le bon chemin pour croiser sa deuxième comète. Elle est remise en hibernation avant d'être de nouveau réveillée puis elle survolera la comète Grigg-Skjellerup le 9-10 juillet 1992  à 200 km du noyau - elle se trouvait à 215 millions de km  de la Terre.

(Station de suivi - Tracking du JPL à Pasadena)

La fin de mission de Giotto est annoncée le 23 juillet 1992.

Il avait été décidé un successeur à Giotto, cela devait être CNSR qui devait se poser et ramener un échantillon cométaire. Cela ne se fit pas pour des raisons budgétaires, mais une bonne partie de la mission a été reprise - sans le retour d'échantillons - par la mission Rosetta / Philae avec la comète 67P/Tchuriumov-Gerasimenko.
Voir les articles sur cette mission toujours en cours.

Mission STS-51L / Challenger

La mission STS-51L avec la navette spatiale Challenger avait aussi de prévu des observations en rapport avec la comète de Halley, notamment des cours données depuis la navette en vol par l'institutrice Christa McAuliffe qui était membre de l'équipage.
La comète de Halley est représenté sur le logo de la mission.
Mais 73 secondes après le décollage, la navette se désintègre tuant les sept membres de l'équipage.




Le passage de la Comète de Halley en 1986 a été l'occasion de parution d'énormément d'ouvrages, de souvenirs, de médailles, pièces, etc... mais aussi et surtout de plus d'une centaine d'émissions philatéliques de pays du monde entier. Une grande absente dans les commémorations : La France qui n'émet aucun timbre ou pièce, si ce n'est un timbre pour Wallis et Futuna.
En voici quelques exemples.



Crédit : Collection Stéphane Sebile / Spacemen1969
             Space Quotes - Souvenirs d'espace
             NASA / ESA / Roskosmos / NASDA-JAXA

L'ESA participe à la publication d'un recueil philatélique spécial de 44 pages et édité à 5 000 exemplaires numérotés avec à l'intérieur 13 documents philatéliques consacrés à la comète de Halley.



L'ESA et British Aerospace collaborent à la réalisation d'un disque commémorant la Comète de Halley par Paul Hart (chez Columbia)

(Collection particulière - DR)
Le célèbre astronome anglais Sir Patrick Moore a aussi composé un disque-hommage



Quelques souvenirs



(Livre paru en 1985)
(Publication de la NASA / SP-488)
(Publication de 1981 par le JPL)

Collection autour de la Comète de Halley


(Bloc commémorant l'inauguration du mont Palomar avec comète de Halley en surcharge)


Il y a une collection amusante à faire sur le thème de la comète de Halley, c'est essayer de rassembler le maximum de blocs émis dans un but purement philatélique (on ne les rencontre quasi jamais en utilisation normale sur lettre) par certains pays. Ces blocs destinés uniquement aux collectionneurs se ressemblent assez étrangement et ont dû faire la fortune de l'imprimeur et des négociants les écoulant - les administrations postales desdits pays n'ayant certainement touché que leur pourcentage ''alibi''. Ils sont reconnus pourtant comme des timbres par l'Union Postale Internationale.



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